La LGV. à un train ...de sénateur 11.07.2019
Didier GOURIN
Philppe RENAULT
Chaque nuit, quand les trains ne roulent pas, les lignes TGV font l’objet d’une surveillance constante et de soins attentifs. Comme ce soir-là, sur la ligne à grande vitesse entre Le Mans et Rennes, inaugurée il y a tout juste deux ans.
Dans la journée, les trains filent ici à 320 km/h. Mais cette nuit-là, du côté de Bazougers (Mayenne), Sylvain et Deepak progressent sur la voie à 4 ou 5km/h, la vitesse d’un bon marcheur. Assis dans leur
lorry, un drôle de camion monté sur rails, ils scrutent la moindre imperfection de la voie. Les phares puissants déchirent l’obscurité. C’est le jour en pleine nuit noire au milieu d’une campagne qui dort à poings fermés. La tournée d’inspection débute au PK 87. PK, pour point kilométrique…
Bien sûr, à cette heure-là, les trains ne circulent pas sur la ligne à grande vitesse (LGV) entre Le Mans et Rennes. Il n’empêche, Sylvain et Deepak ont quand même positionné sur la voie de grosses lampes rouges pour signaler leur présence. Ils sont salariés d’Opere, filiale du groupe de BTP Eiffage, qui a construit la LGV Bretagne-Pays de la Loire et en assure la maintenance. Pour pénétrer sur la ligne et ses interminables lignes droites, il faut franchir un portail bien fermé et, un peu plus bas, une barrière.
Comme un rituel, il y a le rappel des consignes de sécurité. Même si, comme ce soir-là, l’équipe est juste constituée de deux personnes. Drôle de métier que de se promener la nuit sur une ligne de TGV à la vitesse d’un train de sénateur. « Notre métier est méconnu. C’est un travail de l’ombre », glisse Sylvain. On ne saurait mieux dire.
Apparemment, tout est parfait. Le lorry, avec sa petite cabine entièrement vitrée, avale la ligne à sa vitesse de croisière, mètre après mètre. Mais les regards de lynx de Sylvain et de Deepak repèrent du ballast (les cailloux qui maintiennent la voie) un peu déplacé ou bien des petites marques de quelques centimètres sur les rails. Il faut vraiment les voir celles-là. Même pas la taille d’une pièce de monnaie. Rien de grave. Il s’agit juste de l’empreinte laissée par un caillou qui a été réduit en miettes par une roue du TGV.
La marque est infinitésimale. Mais c’est arrêt obligatoire pour le lorry. Sylvain et Deepak installent sur la voie une règle qui assure des mesures de haute précision. Si défaut il y a, il se mesure en dixièmes de millimètre et tout est consigné sur une tablette. Mises bout à bout, toutes ces petites informations détermineront les travaux d’entretien plus conséquents. Et pour ne pas oublier, les deux agents laissent un coup de peinture verte sur le rail. Le voyage au bout de la nuit reprend. Sylvain et Deepak vont ainsi couvrir quelque neuf kilomètres sur la voie ferrée, dans un silence à peine troublé par des bruits lointains d’animaux.
Ce soir-là, à Saint-Berthevin, tenue de travail orange sur le dos, Vincent, Loïc et Amando s’apprêtent, eux aussi, à passer aussi une partie de la nuit le long de la LGV. Au menu, une tournée de surveillance des appareils de voie (ADV), autrement dit les aiguillages. « Nous allons vérifier et inspecter », disent-ils, installés à proximité de la bourreuse, cette grosse bête qui tasse le ballast le long de la voie en soulevant un peu les rails. Costaude la machine : un rail, c’est 60 kg au mètre…
« Aujourd’hui, nous avons une demi-douzaine de chantiers pour la LGV. C’est une petite nuit… » explique Jean-Matthieu de Laferrière, le directeur d’Opere. La maintenance, c’est lorsque la nuit est tombée. Mais dans la journée, depuis le centre opérationnel de la base de Saint-Berthevin, en lien avec la SNCF, tout ce qui se passe sur la ligne est suivi sur des murs tapissés d’écrans. Montfort-le-Gesnois, Aigné, Poillé-sur-Vègre, Auvers-le-Hamon, Argentré-du-Plessis, Cesson-Sévigné… Les noms des communes traversées par la ligne, depuis Connerré, à l’est du Mans, jusqu’à Rennes, sont à l’écran.
Sur une table, un épais classeur blanc détaille le tracé de la ligne. Une sorte de carte IGN dans une version ferroviaire, avec toutes les consignes de protection à suivre lorsqu’il s’agit d’intervenir près des rails. « Ici, dans la journée, on sait tout. On peut savoir ce qui est normal et ce qui ne l’est pas », souligne Jean-Matthieu de Laferrière. La nuit, les équipes de maintenance prennent la suite. « On produit de la sécurité. Et puis, toutes ces visites permettent de voir comment évolue l’infrastructure et de bien la connaître », ajoute-t-il.
Surtout lorsqu’une centaine de trains avalent chaque jour la ligne.
Demain : dans les entrailles du tunnel sous la Manche.
Didier GOURIN
Philppe RENAULT
Chaque nuit, quand les trains ne roulent pas, les lignes TGV font l’objet d’une surveillance constante et de soins attentifs. Comme ce soir-là, sur la ligne à grande vitesse entre Le Mans et Rennes, inaugurée il y a tout juste deux ans.
Dans la journée, les trains filent ici à 320 km/h. Mais cette nuit-là, du côté de Bazougers (Mayenne), Sylvain et Deepak progressent sur la voie à 4 ou 5km/h, la vitesse d’un bon marcheur. Assis dans leur
lorry, un drôle de camion monté sur rails, ils scrutent la moindre imperfection de la voie. Les phares puissants déchirent l’obscurité. C’est le jour en pleine nuit noire au milieu d’une campagne qui dort à poings fermés. La tournée d’inspection débute au PK 87. PK, pour point kilométrique…
Bien sûr, à cette heure-là, les trains ne circulent pas sur la ligne à grande vitesse (LGV) entre Le Mans et Rennes. Il n’empêche, Sylvain et Deepak ont quand même positionné sur la voie de grosses lampes rouges pour signaler leur présence. Ils sont salariés d’Opere, filiale du groupe de BTP Eiffage, qui a construit la LGV Bretagne-Pays de la Loire et en assure la maintenance. Pour pénétrer sur la ligne et ses interminables lignes droites, il faut franchir un portail bien fermé et, un peu plus bas, une barrière.
Comme un rituel, il y a le rappel des consignes de sécurité. Même si, comme ce soir-là, l’équipe est juste constituée de deux personnes. Drôle de métier que de se promener la nuit sur une ligne de TGV à la vitesse d’un train de sénateur. « Notre métier est méconnu. C’est un travail de l’ombre », glisse Sylvain. On ne saurait mieux dire.
Apparemment, tout est parfait. Le lorry, avec sa petite cabine entièrement vitrée, avale la ligne à sa vitesse de croisière, mètre après mètre. Mais les regards de lynx de Sylvain et de Deepak repèrent du ballast (les cailloux qui maintiennent la voie) un peu déplacé ou bien des petites marques de quelques centimètres sur les rails. Il faut vraiment les voir celles-là. Même pas la taille d’une pièce de monnaie. Rien de grave. Il s’agit juste de l’empreinte laissée par un caillou qui a été réduit en miettes par une roue du TGV.
La marque est infinitésimale. Mais c’est arrêt obligatoire pour le lorry. Sylvain et Deepak installent sur la voie une règle qui assure des mesures de haute précision. Si défaut il y a, il se mesure en dixièmes de millimètre et tout est consigné sur une tablette. Mises bout à bout, toutes ces petites informations détermineront les travaux d’entretien plus conséquents. Et pour ne pas oublier, les deux agents laissent un coup de peinture verte sur le rail. Le voyage au bout de la nuit reprend. Sylvain et Deepak vont ainsi couvrir quelque neuf kilomètres sur la voie ferrée, dans un silence à peine troublé par des bruits lointains d’animaux.
[size=30]« On produit de la sécurité »[/size]
Parfois, quelques coups de marteau suffisent. Cette fois, il s’agit de resserrer un chouïa la grosse attache qui fait le lien entre les rails et les traverses. Rien de vraiment visible pourtant. Il faut le regard exercé des hommes de l’art. Ils sont une centaine au total à ausculter sans relâche les voies, répartis entre la base travaux de Saint-Berthevin, près de Laval, en Mayenne, et celle de Sablé-sur-Sarthe, dans la Sarthe.Ce soir-là, à Saint-Berthevin, tenue de travail orange sur le dos, Vincent, Loïc et Amando s’apprêtent, eux aussi, à passer aussi une partie de la nuit le long de la LGV. Au menu, une tournée de surveillance des appareils de voie (ADV), autrement dit les aiguillages. « Nous allons vérifier et inspecter », disent-ils, installés à proximité de la bourreuse, cette grosse bête qui tasse le ballast le long de la voie en soulevant un peu les rails. Costaude la machine : un rail, c’est 60 kg au mètre…
« Aujourd’hui, nous avons une demi-douzaine de chantiers pour la LGV. C’est une petite nuit… » explique Jean-Matthieu de Laferrière, le directeur d’Opere. La maintenance, c’est lorsque la nuit est tombée. Mais dans la journée, depuis le centre opérationnel de la base de Saint-Berthevin, en lien avec la SNCF, tout ce qui se passe sur la ligne est suivi sur des murs tapissés d’écrans. Montfort-le-Gesnois, Aigné, Poillé-sur-Vègre, Auvers-le-Hamon, Argentré-du-Plessis, Cesson-Sévigné… Les noms des communes traversées par la ligne, depuis Connerré, à l’est du Mans, jusqu’à Rennes, sont à l’écran.
Sur une table, un épais classeur blanc détaille le tracé de la ligne. Une sorte de carte IGN dans une version ferroviaire, avec toutes les consignes de protection à suivre lorsqu’il s’agit d’intervenir près des rails. « Ici, dans la journée, on sait tout. On peut savoir ce qui est normal et ce qui ne l’est pas », souligne Jean-Matthieu de Laferrière. La nuit, les équipes de maintenance prennent la suite. « On produit de la sécurité. Et puis, toutes ces visites permettent de voir comment évolue l’infrastructure et de bien la connaître », ajoute-t-il.
Surtout lorsqu’une centaine de trains avalent chaque jour la ligne.
Demain : dans les entrailles du tunnel sous la Manche.
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