La région du Léon, en Finistère, dont Saint Pol-de-Léon est la capitale, constitue le centre maraîcher le plus important de Bretagne et l’un des plus actifs de France. La culture maraîchère s’est longtemps limitée à la presqu’île de Saint-Pol-de-Léon - Roscoff, aux côtes extrêmement dentelées, bordées à l’Est par le magnifique estuaire de la petite rivière la Penzé et l’embouchure de la rivière de Morlaix. Contre les vents du Nord et du Nord-Ouest, les cultures sont protégées par une immense digue naturelle, l’île de Batz, qui n’est séparée de la terre que par quelques kilomètres. Depuis quelques années, les maraîchers ont étendu la zone cultivée, en bordure de la mer, sur une longueur de 25 à 30 kilomètres et sur une profondeur de 6 à 8. Cette côte est baignée par une ramification du courant d’eau chaude, le Gulf Stream, qui donne au pays son climat merveilleusement tempéré, où la gelée est presque inconnue. Après avoir fécondé cette terre privilégiée par l’engrais naturel que constitue le goémon, extrait de la mer, les Léonards, grâce à un travail acharné, produisent chaque hiver une récolte de 50 à 60 000 tonnes de choux-fleurs, suivie, à la fin du printemps et au début de l’été, par une deuxième récolte : pommes de terre, artichauts et oignons. C’est le chou-fleur, que les Léonards cultivent depuis plus de 75 ans, qui donne lieu au plus gros trafic. Le tonnage expédié par fer et par mer a atteint 54 050 tonnes en 1931 et 58 000 tonnes en 1932. Une telle abondance exige une sérieuse organisation commerciale. Certains quartiers des petites villes de Roscoff et de Saint-Pol-de-Léon sont appelés les quartiers des « marchands de choux » ; d’immenses magasins y ont été construits. En effet, il ne s’agit pas seulement de couper les choux-fleurs dans les champs et de les amener au marché. Tout un autre travail de « toilette » du produit, de son emballage, de son chargement sur wagon ou de son embarquement sur navire, reste à faire. Il faut aussi chercher des débouchés, organiser la vente. On compte plus de 50 maisons d’expédition organisées pour cette besogne (1). Une Coopérative et un Syndicat viennent compléter cette véritable industrie agricole. Bien connu sur les marchés français et étrangers, le « Brocolis de Roscoff » est un produit parfait, à la pomme blanche, au grain très serré ; il supporte très bien un voyage – en wagon ou en bateau – de plusieurs jours. Aussi, les Anglais et les Allemands, gros consommateurs de ce légume, sont devenus avec les Belges, les Hollandais et les Suisses, des clients qui achètent en Bretagne une part appréciable de la production. Quelques expéditeurs audacieux ont même réussi à exporter le chou-fleur jusqu’en Suède, en Norvège, au Danemark et jusqu’en Tchéco- Slovaquie. Mais la concurrence sur les marchés étrangers devient de plus en plus dure, par suite de l’organisation méthodique, depuis quelques années, de la production italienne parfaitement standardisée.
La visite du marché de Saint-Pol-de-Léon, les matins de campagne de choux-fleurs, est très pittoresque. Sur une immense place, dont l’installation a nécessité la destruction d’un magnifique jardin, voisin de la Cathédrale, les charrettes commencent à arriver vers 8 à 9 heures. On en a compté, à certains jours, jusqu’à 1 800 ; des agents de police veillent au bon ordre, chevaux et voitures s’alignent comme pour une parade militaire. Les transactions ne commencent guère que vers 10 heures, à midi tout doit être fini. Aussitôt achetées, les charrettes, en un défilé interminable mais méthodique, prennent le chemin des magasins de triage et d’emballage.
Là, un nombreux personnel d’ouvriers emballeurs prend le produit qui est trié en extra, gros, moyens et petits. Des coupeurs, armés de couteaux spéciaux, font la « toilette » ; d’autres ouvriers rangent les choux-fleurs dans des cageots ; d’autres, enfin, pointent ou cerclent les cageots qui, chargés dans des camions, partent vers la gare ou vers le vapeur qui, du port de Roscoff, met le cap sur l’Angleterre. Tout ce trafic donne à ces petites villes une extraordinaire activité. Routes et rues sont semées de feuilles de chou et tout le pays en garde l’odeur spéciale, que le vent du large, de la mer toute proche, ne parvient pas à dissiper.
Nos gares, celle de Saint-Pol en particulier, présentent aux heures de l’embarquement des choux une activité exceptionnelle. Pour assurer dans les conditions de régularité et de rapidité voulues l’écoulement de la plus grosse part de la production du Léon (les 2/3 environ : 35 189 tonnes en 1930-31, 37 500 tonnes en 1931-32), rien ne doit être laissé au hasard et la préparation de la campagne fait l’objet d’un soin particulier, ainsi que son exécution au jour le jour, rendue particulièrement délicate par les fluctuations parfois importantes du trafic, influencé par la température et les cours des principaux marchés : Paris, Allemagne, Angleterre, concurrence italienne. La physionomie du seul marché de Saint-Pol de- Léon, de beaucoup le plus important de la région, renseigne cependant assez exactement sur le chiffre probable des expéditions du jour.
La connaissance du nombre de charrettes introduites sur le marché permet de déterminer approximativement le nombre des wagons et des trains nécessaires à l’acheminement des expéditions de la soirée. La gare de Saint-Pol-de-Léon prend ses dispositions en conséquence ; le matériel vide est réparti sur les différentes voies de chargement spécialisées. La tâche n’est pas, cependant, toujours aisée, et on le comprendra sans peine lorsqu’on saura que la gare de Saint-Pol doit, certains jours, faire face, en quelques heures, au chargement de plus de 100 wagons (2). Les wagons destinés à l’exportation font l’objet de trains spéciaux, tracés de Saint-Pol-de-Léon à Batignolles et vers les frontières, à des vitesses de trains rapides. Il y a presque journellement un train « Exportation », fréquemment deux, quelquefois trois. La plus forte journée de la dernière campagne, on a expédié à l’étranger 62 wagons en 3 trains. Ces transports sont exclusivement assurés au moyen de nos nouveaux wagons à primeurs, du type Fu, qui donnent toute satisfaction. Les wagons « Exportation » partis, il reste à expédier les wagons du trafic français. Deux, trois, parfois quatre trains plus lourds et à marche plus lente sont nécessaires. Les expéditeurs chargent eux-mêmes les wagons complets, mais la gare charge de nombreux wagons de détail – une trentaine – spécialisés suivant les destinations.
Le service des écritures suit pas à pas celui des manutentions et, malgré la complexité de la besogne, tout est prêt au fur et à mesure des départs de trains qui s’échelonnent sur quelques heures seulement. En fin de journée, la place est nette, tout est en ordre jusqu’au lendemain où tout est à recommencer, et cela chaque jour pendant 4 à 5 mois, au bout desquels le Réseau a encaissé une douzaine de millions. Que ne possède-t-il, hélas ! sur son territoire, beaucoup d’autres régions aussi riches !
https://www.lesrailsdelhistoire.com/post/1932-1946-le-roi-chou-fleur-du-leon
La visite du marché de Saint-Pol-de-Léon, les matins de campagne de choux-fleurs, est très pittoresque. Sur une immense place, dont l’installation a nécessité la destruction d’un magnifique jardin, voisin de la Cathédrale, les charrettes commencent à arriver vers 8 à 9 heures. On en a compté, à certains jours, jusqu’à 1 800 ; des agents de police veillent au bon ordre, chevaux et voitures s’alignent comme pour une parade militaire. Les transactions ne commencent guère que vers 10 heures, à midi tout doit être fini. Aussitôt achetées, les charrettes, en un défilé interminable mais méthodique, prennent le chemin des magasins de triage et d’emballage.
Là, un nombreux personnel d’ouvriers emballeurs prend le produit qui est trié en extra, gros, moyens et petits. Des coupeurs, armés de couteaux spéciaux, font la « toilette » ; d’autres ouvriers rangent les choux-fleurs dans des cageots ; d’autres, enfin, pointent ou cerclent les cageots qui, chargés dans des camions, partent vers la gare ou vers le vapeur qui, du port de Roscoff, met le cap sur l’Angleterre. Tout ce trafic donne à ces petites villes une extraordinaire activité. Routes et rues sont semées de feuilles de chou et tout le pays en garde l’odeur spéciale, que le vent du large, de la mer toute proche, ne parvient pas à dissiper.
Nos gares, celle de Saint-Pol en particulier, présentent aux heures de l’embarquement des choux une activité exceptionnelle. Pour assurer dans les conditions de régularité et de rapidité voulues l’écoulement de la plus grosse part de la production du Léon (les 2/3 environ : 35 189 tonnes en 1930-31, 37 500 tonnes en 1931-32), rien ne doit être laissé au hasard et la préparation de la campagne fait l’objet d’un soin particulier, ainsi que son exécution au jour le jour, rendue particulièrement délicate par les fluctuations parfois importantes du trafic, influencé par la température et les cours des principaux marchés : Paris, Allemagne, Angleterre, concurrence italienne. La physionomie du seul marché de Saint-Pol de- Léon, de beaucoup le plus important de la région, renseigne cependant assez exactement sur le chiffre probable des expéditions du jour.
La connaissance du nombre de charrettes introduites sur le marché permet de déterminer approximativement le nombre des wagons et des trains nécessaires à l’acheminement des expéditions de la soirée. La gare de Saint-Pol-de-Léon prend ses dispositions en conséquence ; le matériel vide est réparti sur les différentes voies de chargement spécialisées. La tâche n’est pas, cependant, toujours aisée, et on le comprendra sans peine lorsqu’on saura que la gare de Saint-Pol doit, certains jours, faire face, en quelques heures, au chargement de plus de 100 wagons (2). Les wagons destinés à l’exportation font l’objet de trains spéciaux, tracés de Saint-Pol-de-Léon à Batignolles et vers les frontières, à des vitesses de trains rapides. Il y a presque journellement un train « Exportation », fréquemment deux, quelquefois trois. La plus forte journée de la dernière campagne, on a expédié à l’étranger 62 wagons en 3 trains. Ces transports sont exclusivement assurés au moyen de nos nouveaux wagons à primeurs, du type Fu, qui donnent toute satisfaction. Les wagons « Exportation » partis, il reste à expédier les wagons du trafic français. Deux, trois, parfois quatre trains plus lourds et à marche plus lente sont nécessaires. Les expéditeurs chargent eux-mêmes les wagons complets, mais la gare charge de nombreux wagons de détail – une trentaine – spécialisés suivant les destinations.
Le service des écritures suit pas à pas celui des manutentions et, malgré la complexité de la besogne, tout est prêt au fur et à mesure des départs de trains qui s’échelonnent sur quelques heures seulement. En fin de journée, la place est nette, tout est en ordre jusqu’au lendemain où tout est à recommencer, et cela chaque jour pendant 4 à 5 mois, au bout desquels le Réseau a encaissé une douzaine de millions. Que ne possède-t-il, hélas ! sur son territoire, beaucoup d’autres régions aussi riches !
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