La gare de Dinan et son buffet, témoins élégants de l'apogée ferroviaire ( par Agnès Esteves Dasilva - le petit bleu des côtes d'armor - 16 03 2022 )
En 1932, lors de sa construction, la gare était le centre névralgique de la ville. Toutes les marchandises, et les voyageurs y arrivaient. Retour sur la belle époque de Dinan.
Bien avant 1932, le train arrivait déjà à Dinan. Ou, plutôt passait à Dinan, comme aujourd’hui. En 1879, la ligne allait alors de Lison (entre Caen et Cherbourg), jusqu’à Lamballe, restée la ville terminus. Sur des photos anciennes, on peut apercevoir une armada de calèches stationnées devant la petite gare d’alors, qui ressemblait à beaucoup d’autres gares de la région.
L’ambition d’un maire pour sa ville
Or, en 1929, Dinan élit son nouveau maire, Michel Geistdoerfer, « un homme cultivé, sensible à l’art avec une ambition certaine pour sa ville », selon Loïc-René Vilbert (1). Le maire se lance dans un vaste programme architectural et confie la construction de plusieurs bâtiments à un architecte de renom, Georges-Robert Lefort.
Celui-ci, nourri par le courant art-déco, élabore une nouvelle gare, mais aussi le bâtiment de la Caisse d’Épargne, celui de l’école de commerce et d’industrie (collège Roger Vercel) et celui du Celtic, (l’actuelle Poste)
.
photo : intérieur du Celtic années 30 - bibliothèque municipale de Dinan
Le Celtic proposait déjà un bar, mais aussi une salle de spectacle, « la plus grande de Dinan », souligne Loïc-René Vilbert. C’est d’ailleurs par cet établissement, plutôt luxueux, dont il existe une photo de l’intérieur, que l’on peut se représenter celui du buffet de la gare, sans doute de la même facture. Des boiseries, des fauteuils club, l’établissement semble très soigné.
Le buffet de la gare, un endroit assez chic
Et c’était probablement aussi le cas du buffet de la gare. « Dans l’après-guerre, c’était un endroit assez chic. Des professeurs de l’école de musique de Dinan s’y retrouvaient en petites formations, trio ou quatuor, pour des apéritifs ou des mariages, car il y avait une petite piste de danse. Le petit jardin longeant la voie ferrée était aussi très en vue. L’endroit était apprécié, car il faisait partie d’un style moderne, art-déco, qui plaisait beaucoup. Il était tendance comme on dirait aujourd’hui », s’amuse Loïc-René Vilbert.
Cependant, les « vestiges » retrouvés lors des travaux du buffet de la gare laissent plutôt penser à un intérieur plus dépouillé. Mosaïque de faïence colorée au sol, et des poteaux octogonaux en béton, peut-être peints alors, ont été mis au jour récemment. Malheureusement, il ne reste plus grand-chose du décor d’origine, remanié moult fois depuis les années 30. Seuls les volumes de l’établissement, sa hauteur sous plafond et ses larges baies témoignent d’un établissement cossu.
Un quartier très vivant
Il faut aussi imaginer un quartier de la gare beaucoup plus vivant qu’il ne l’est aujourd’hui. Les hôtels foisonnaient alentour : de la Gare, de France, Océan (le seul qui subsiste) et, surtout, le très grand hôtel de l’Europe et ses dizaines de chambres. « Tout le monde se déplaçait en train à cette époque, notamment les voyageurs de commerce qui descendaient dans les hôtels proches. Il y avait même des établissements plus petits et plus modestes après le passage à niveau. »
Des cochers stationnaient devant la gare, attendant de potentiels clients descendant du train. Dans les années 50, existait encore une petite entreprise de transport dont Loïc-René Vilbert a des souvenirs d’enfance. « C’était une remorque en plateau tirée par un ou deux chevaux qui allait récupérer les marchandises à la gare et les livrait aux entreprises, nombreuses, de Dinan. L’activité de la gare était encore très soutenue dans ces années-là. Sur une vue de la place Du Champ Clos et de la place Du Guesclin de 1953, on ne voit quasiment pas de voitures. »
Car c’est bien elle, la voiture, qui sonnera le glas de l’activité ferroviaire à Dinan, déplaçant, également, le cœur économique et dynamique de la ville. Le buffet de la gare périclite avec ce bouleversement des habitudes quotidiennes. Il verra ses derniers clients au début des années 2000. Mais, la renaissance du quartier envisagée par la municipalité donne des envies à certains. 90 ans plus tard, il devrait rouvrir après un projet avorté voilà quelques années. Et si le lustre des années 30 revenait ?
(1) Loïc-René Vilbert est bibliothécaire honoraire de la ville de Dinan et président de la société des Amis du musée et de la bibliothèque.
En 1932, lors de sa construction, la gare était le centre névralgique de la ville. Toutes les marchandises, et les voyageurs y arrivaient. Retour sur la belle époque de Dinan.
Bien avant 1932, le train arrivait déjà à Dinan. Ou, plutôt passait à Dinan, comme aujourd’hui. En 1879, la ligne allait alors de Lison (entre Caen et Cherbourg), jusqu’à Lamballe, restée la ville terminus. Sur des photos anciennes, on peut apercevoir une armada de calèches stationnées devant la petite gare d’alors, qui ressemblait à beaucoup d’autres gares de la région.
L’ambition d’un maire pour sa ville
Or, en 1929, Dinan élit son nouveau maire, Michel Geistdoerfer, « un homme cultivé, sensible à l’art avec une ambition certaine pour sa ville », selon Loïc-René Vilbert (1). Le maire se lance dans un vaste programme architectural et confie la construction de plusieurs bâtiments à un architecte de renom, Georges-Robert Lefort.
Celui-ci, nourri par le courant art-déco, élabore une nouvelle gare, mais aussi le bâtiment de la Caisse d’Épargne, celui de l’école de commerce et d’industrie (collège Roger Vercel) et celui du Celtic, (l’actuelle Poste)
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photo : intérieur du Celtic années 30 - bibliothèque municipale de Dinan
Le Celtic proposait déjà un bar, mais aussi une salle de spectacle, « la plus grande de Dinan », souligne Loïc-René Vilbert. C’est d’ailleurs par cet établissement, plutôt luxueux, dont il existe une photo de l’intérieur, que l’on peut se représenter celui du buffet de la gare, sans doute de la même facture. Des boiseries, des fauteuils club, l’établissement semble très soigné.
Le buffet de la gare, un endroit assez chic
Et c’était probablement aussi le cas du buffet de la gare. « Dans l’après-guerre, c’était un endroit assez chic. Des professeurs de l’école de musique de Dinan s’y retrouvaient en petites formations, trio ou quatuor, pour des apéritifs ou des mariages, car il y avait une petite piste de danse. Le petit jardin longeant la voie ferrée était aussi très en vue. L’endroit était apprécié, car il faisait partie d’un style moderne, art-déco, qui plaisait beaucoup. Il était tendance comme on dirait aujourd’hui », s’amuse Loïc-René Vilbert.
Cependant, les « vestiges » retrouvés lors des travaux du buffet de la gare laissent plutôt penser à un intérieur plus dépouillé. Mosaïque de faïence colorée au sol, et des poteaux octogonaux en béton, peut-être peints alors, ont été mis au jour récemment. Malheureusement, il ne reste plus grand-chose du décor d’origine, remanié moult fois depuis les années 30. Seuls les volumes de l’établissement, sa hauteur sous plafond et ses larges baies témoignent d’un établissement cossu.
Un quartier très vivant
Il faut aussi imaginer un quartier de la gare beaucoup plus vivant qu’il ne l’est aujourd’hui. Les hôtels foisonnaient alentour : de la Gare, de France, Océan (le seul qui subsiste) et, surtout, le très grand hôtel de l’Europe et ses dizaines de chambres. « Tout le monde se déplaçait en train à cette époque, notamment les voyageurs de commerce qui descendaient dans les hôtels proches. Il y avait même des établissements plus petits et plus modestes après le passage à niveau. »
Des cochers stationnaient devant la gare, attendant de potentiels clients descendant du train. Dans les années 50, existait encore une petite entreprise de transport dont Loïc-René Vilbert a des souvenirs d’enfance. « C’était une remorque en plateau tirée par un ou deux chevaux qui allait récupérer les marchandises à la gare et les livrait aux entreprises, nombreuses, de Dinan. L’activité de la gare était encore très soutenue dans ces années-là. Sur une vue de la place Du Champ Clos et de la place Du Guesclin de 1953, on ne voit quasiment pas de voitures. »
Car c’est bien elle, la voiture, qui sonnera le glas de l’activité ferroviaire à Dinan, déplaçant, également, le cœur économique et dynamique de la ville. Le buffet de la gare périclite avec ce bouleversement des habitudes quotidiennes. Il verra ses derniers clients au début des années 2000. Mais, la renaissance du quartier envisagée par la municipalité donne des envies à certains. 90 ans plus tard, il devrait rouvrir après un projet avorté voilà quelques années. Et si le lustre des années 30 revenait ?
(1) Loïc-René Vilbert est bibliothécaire honoraire de la ville de Dinan et président de la société des Amis du musée et de la bibliothèque.
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